Nick V : L'interview Warm-up du réveillon

Nick V : L'interview Warm-up du réveillon

Après 8 ans à La Java, la soirée house parisienne La Mona, victime de son succès, s’est installée dans la salle (plus grande) de La Bellevilloise. Créée en 2008 à l’initiative de Nick V, jeune DJ anglais débarqué dans la capitale à la fin des années 80, elle a notamment fondé sa réputation sur des invités et habitués de prestige (Terrence Parker, Daniel Wang, Mike Huckaby, Karizma, Cinthie…) et une émulation autour de la danse, rendue possible par des cours gratuits de voguing et waacking, et des « balls » d’artistes expérimentés. Après s’être exportée dans toute l’Europe – de Nice à Berlin, en passant par Amsterdam –, La Mona investira pour le nouvel an notre bateau bordelais. Une nuit inoubliable sur fond de black music, house et disco, en compagnie des DJ’s Hugo LX, Finn Johannsen et de la danseuse Tiger Saint Laurent, afin de célébrer sous les boules à facettes, le passage à l’an 2020. Entretien avec son instigateur, à quelques semaines de la date fatidique. interview : Gil Colinmaire

Tu as grandi à Manchester, puis tu es parti en France à 17 ans avec ta famille. Comment se sont passés tes débuts à Paris ?

J’ai déménagé en 87, date qui correspond au développement de l’acid house à grande échelle en Grande-Bretagne. J’ai connu juste avant, l’arrivée de la house sous sa forme plus confidentielle, avec les radios locales, et je l’ai vue exploser avant de partir. Quand je suis arrivé en banlieue parisienne, c’était une expérience différente. Les cités étaient très orientées musiques afro- américaines (soul, funk, disco…). C’était les débuts du rap français et de l’engouement autour de la danse hip-hop. Ça m’a aussi beaucoup influencé.

Tu aurais quand même voulu à l’époque, rester en Angleterre, par rapport à la culture musicale ?

Oui ; même s’il y avait ce côté black music dans les banlieues parisiennes, c’était sans commune mesure avec Manchester et toute l’effervescence autour de la house. Ici, on a eu l’émission de Sidney, H.I.P. H.O.P., qui était un ovni, et Les Enfants du Rock… Mais c’étaient des programmes très spécialisés. En Angleterre, que ce soit les médias ou l’industrie, tout s’était déjà emparé des mouvements musicaux. J’étais très déçu de ne pas pouvoir revivre ces expériences de concerts, de sorties et d’achats de disques.

Tu as voulu apporter quelque chose de nouveau avec La Mona, comparée à tes premières résidences, Guys & Dolls et Otra Otra ?

C’était un peu leur héritière mais je me suis adapté au climat musical, qui était très différent. C’était très difficile à la fin des années 2000 de faire des soirées house. C’est en 2010 que j’ai commencé à inviter des jeunes qui voulaient reprendre le flambeau du mouvement ; des DJ’s inconnus à l’époque, comme Jeremy Underground. C’est avec ce nouveau souffle qu’on a pu renouveler la soirée. Le deuxième point a été d’y incorporer l’énergie de la danse.

Les cours gratuits de voguing ou waacking sont une manière d’impliquer plus rapidement le public dans l’ambiance de la soirée ?

Ils ont été créés à l’image des soirées salsa. J’ai adapté le modèle de l’initiation à la danse en début de soirée, aux musiques électroniques et au club. Ça permet de rapprocher les gens et de conserver cette énergie toute la nuit. L’autre idée était d’aller à l’encontre du cliché de la « soirée de drogués », car au départ, dans les communautés afro-américaines, la house était avant tout une musique de danse, comme le hip-hop ou le dancehall. Enfin, Paris étant une ville de danse, j’avais aussi envie de donner à des danseurs un espace d’expression dans les clubs, et de mettre en valeur cette spécificité française. Aujourd’hui, on nous envie. Les DJ’s étrangers que j’invite sont toujours très contents de venir car il n’y a pas chez eux, en ce moment, ce même engouement dans le domaine.

Les cultures clubs queer et afro-américaines des années 80 font partie de ce qui t’a nourri en tant que DJ ?

A la fin des années 80, la musique que je voulais écouter était confidentielle en France. Finalement, ça m’a permis de toucher des milieux plus marginaux, comme le milieu homo parisien, qui était le seul à diffuser de la house. Il y avait un côté libéré qu’on ne trouvait pas ailleurs. Un besoin de s’exprimer par la danse, face à l’épidémie de SIDA. J’allais voir Laurent Garnier au Boy, Patrick Vidal au Power Station, DJ André au Palace… Des pionniers, à Paris. Certains, comme David Serrano, sont morts du SIDA. Le slogan d’Act Up était d’ailleurs « Danser = vivre » ; c’était fort. Cet héritage m’est resté. Quand j’ai commencé mes résidences, j’ai travaillé avec mon ex-beau- frère, qui est homo. On a monté une soirée qui était au départ clairement gay. Le voguing et le waacking sont aussi nés de la culture LGBT. C’est en partie pour ça qu’on les retrouve à La Mona ; et parce que ce sont des danses de clubs et qu’il n’y en a pas beaucoup qui sont liées à la house.

Peux-tu me parler de Mona Musique, le label de La Mona ?

Il est né il y a 3 ans, avec l’idée de produire de la musique pour la soirée. Cette année, j’ai aussi sorti un projet plus personnel : la compilation House of Riviera, un hommage à la scène house italienne 90’s. C’est un domaine qui avait été jusque là peu exploré dans les compiles house. Il s’agit d’un double-vinyle avec un reportage photos et des témoignages de DJ’s italiens de l’époque.

Comment les invités du nouvel an ont-ils été choisis ?

Tiger Saint Laurent s’occupe de la danse à La Mona. Elle fera une initiation, ouverte à tous, au vogue old way ; son style d’origine, très inspiré des balls ou des postures des mannequins de Vogue. Il y aura ensuite Hugo LX, le premier artiste à avoir sorti un disque sur le label. Il a une culture très complète, afro-américaine et japonisante, et a aussi fait des albums de hip-hop. Enfin, il y aura Finn Johannsen, programmateur du Paloma Bar à Berlin, et surtout l’un des DJ’s house et disco les plus respectés de la ville. Il a longtemps travaillé à la fameuse boutique de vinyles Hard Wax. C’est une vraie encyclopédie.

Comment imagines-tu la soirée ?

Je ne jouerai pas comme un DJ généraliste mais je saupoudrerai mon set de classiques connus. C’est aussi un retour sur l’année passée ; et il y aura des temps forts très festifs… Sans oublier le thème : venir habillé.e comme un danseur.se. (danseur étoilé, égérie de voguing, danseuse en tutu…). C’est aussi ce qui va contribuer à l’énergie. J’espère que ma tenue sera à la hauteur. J’y réfléchis déjà…

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